Julien Fernandez gère Africantape depuis cinq ans. Initialement retranché derrière les fûts de Chevreuil et Passe Montagne, il fonde le label de la cassette africaine comme on lâche un molard sur une industrie culturelle un peu trop uniforme à son goût. Pour reprendre ses termes ; en guise de « proposition esthétique disruptive« .
Et dès lors, amorce un flux continu de lancers de parpaings noise rock, désormais bien installés sur les flancs abruptes de la scène indé française, parmi lesquels siègent Marvin, Electric Electric, Papier Tigre ou encore les italiens de Three Second Kiss. Et si le label résonne souvent par ces formations plutôt visibles, il n’en a pas moins accouché d’albums davantage complexes et hermétiques tels que le dernier Micah Gaugh Trio ou Hey!Tonal.
Cinq ans. Une interview, présentement.
Pour fêter les cinq ans du label, vous avez organisé une tournée collective en Europe avec huit groupes. Comment ça s’est passé?
On va dire que l’expérience a été positive. Il a fallu des mois pour tout organiser, ça a vraiment été un travail laborieux et complexe.Le public n’a pas toujours répondu présent mais dans la majorité des cas, ça a bien fonctionné. La principale difficulté, je crois, a été de faire accepter Micah Gaugh Trio qui est un groupe à forte influence jazz : la plupart des gens n’ont pas vraiment compris leur démarche, qui a mon humble avis est fantastique. Ça a été un peu décevant pour moi de voir que la curiosité des gens avait beaucoup de limites finalement.
Quand vous êtes passés à Bruxelles lors de cette tournée, j’ai cru comprendre que tu visais « plus haut » pour certains groupes comme Electric Electric ou Peter Kernel, par exemple. Tu peux nous en dire plus?
Les groupes avec lesquels je travaille ont tous quelque chose qui me fascine. Certains ont un potentiel plus important que d’autres et j’aimerais, pour eux, réussir à les lancer vers quelque chose de plus intéressant qu’une simple sortie confidentielle sur le label.
Peter Kernel est un groupe qui a un potentiel extraordinaire. Ils méritent beaucoup plus : plus de visibilité, plus de presse, plus de présence dans les festivals. C’est ce que nous allons viser pour le prochain album qui sortira en 2014.
Et avec Electric Electric, malgré l’hermétisme de leur musique, les résultats ont été très positifs sur le dernier disque, ce qui est plutôt encourageant.
Après cinq ans d’activité et une quarantaine d’albums produits, quelle place penses-tu que le label occupe sur la scène indé française? Je ne me suis jamais posé la question. Je crois que le label reste cependant toujours dans la catégorie des petits labels mais je n’arrive pas vraiment à m’en rendre compte d’ici, en Italie. Pour moi ça n’a aucune importance ceci dit.
Aussi, en y pensant, la notion de « scène indé française, » ça ne me parle pas vraiment.
Comment se déroule le processus de production chez Africantape?
Ça dépend de chaque disque, de chaque groupe, de chaque projet.
Il faut rester réaliste : la production d’un projet a un coût (temps, enregistrement, mastering, pressage, promotion etc…) donc il faut avant tout réussir à le rembourser. Puis ensuite, je partage généralement les bénéfices 50/50 avec les artistes (si il y en a).
Après, il y a aussi des cas de figure différents, des co-productions ou même parfois des projets qui se réalisent à perte.
Il semble que tu attaches pas mal d’importance à l’indépendance du label, non? Tu parviens toujours à préserver un contrôle intégral sur ce que tu produits?
Oui, c’est très important pour moi de conserver ce droit à l’indépendance, par contre je n’ai pas l’impression particulière de contrôler les choses.
Ce sont les groupes qui contrôlent leur musique et leur image. J’ai plus l’impression d’être ici pour les accompagner.
En 2011, le festival Africantape avait été une expérience assez vénère. 17 groupes, un public qui dépassait largement les frontières françaises, des salles blindées etc. Pourquoi ne pas avoir réitéré? J’ai essayé de le refaire deux fois, mais pour des raisons d’organisation générale et de temps, je n’ai pas pu reproduire l’expérience.
Il faut dire que l’équipe Lyonnaise avec laquelle j’avais travaillé était fantastique ! Difficile de retrouver une telle équipe je dois dire.
Mais je compte bien refaire un festival à un moment ou à un autre. Patience…
T’as des nouvelles sorties sous le coude?
Pour le moment, un EP de The Martha’s Vineyard Ferries avec Bob Weston et Chris Brokaw, un 7″ de Camilla Sparksss et un 7″ (et un T-Shirt) de Ventura.
Et Chevreuil? Et Passe Montagne?
On est en pause, et ça fait du bien d’être en pause.
J’ai vu Gilles et Sam de Passe Montagne la semaine dernière à Rennes alors que j’étais en voyage avec le meilleur groupe de rock du monde (Big’n). Nous avons le projet de partir travailler sur le prochain disque en Colombie dès que ça sera possible.
Avec Tony (de Chevreuil, ndlr), on joue de temps à autres. On a très envie de faire un prochain disque avec Mitch Cheney de Rumah Sakit.
Mais quand? Comment? Rien n’est défini pour le moment et ce n’est pas dans nos priorités immédiates.
acephalic noise 